Une belle réponse à Macron

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Saigon, Paul Harsac, 1911

Lettre ouverte à Monsieur Emmanuel Macron

Monsieur,

Vous venez de qualifier la colonisation de « crime contre l’humanité ».
À titre personnel, vous avez le droit de penser ce que vous voulez. Au titre de candidat à la magistrature suprême, vous avez le devoir de mesurer vos interventions avant de condamner aussi lourdement votre propre pays, sur le plan historique comme sur le plan judiciaire. Vous avez failli à ce devoir.

L’histoire ne s’écrit pas en noir et blanc, elle s’écrit parfois en lettres de sang, parfois en lettres de noblesse, mais toujours avec un alphabet que, visiblement, vous ne maitrisez pas. D’où l’incongruité de vos propos. Avant de dire n’importe quoi, commencez par vous renseigner sur les différentes colonisations (comptoirs, exploitation, peuplement) qui ont jalonné l’histoire de l’humanité depuis la nuit des temps. Vous découvrirez peut-être la complexité de conquêtes territoriales qui ne peuvent pas se résumer au seul mot de « crime », par exemple les conquêtes coloniales musulmanes sur le Maghreb. Sans vous demander d’aller jusqu’au débat sur les méfaits ou les bienfaits des entreprises coloniales (votre position manichéenne semble déjà tranchée), renseignez-vous au moins sur les faits. À moins qu’en bon disciple de Rousseau vous ayez délibérément choisi de les écarter quand ils contrarient votre idéologie.

Ensuite, offrez-vous ou faites-vous offrir un petit ouvrage élémentaire du type « le droit pour les nuls » qui vous permettrait sans doute de découvrir la portée du crime contre l’humanité, crime imprescriptible et rétroactif. En reconnaissant la France coupable de ce crime devant un gouvernement étranger, alors que vous briguez la présidence de la République française, vous vous êtes engagé au nom de notre pays sur la voie de la peine la plus lourde qui soit. À Nuremberg ce fut la peine de mort. Elle n’existe plus chez nous. Alors, c’est à ce qui est le plus proche de la mort, le plus sévère, le plus irrémédiable, que vous condamnez la France et le peuple dont vous sollicitez les suffrages. On ne saurait faire pire.

D’une certaine façon, je vous remercie pour cette intervention. Elle a au moins le mérite de clarifier les choses : voter pour vous, c’est voter pour la condamnation de la France à la peine la plus infamante pour la faute la plus irrémissible. Comme ça, on sait où l’on va, ou du moins où l’on risque l’aller si par malheur une majorité de Français venait à vous ouvrir les portes de l’Elysée.
Repentance, auto-flagellation, indemnisations à la clé, silence radio sur les crimes du FLN passés et présents, mépris pour les harkis et les Français d’Algérie, votre chemin hasardeux vers le pouvoir est pavé d’obscénités.

A défaut de la considération distinguée dont je n’aurai pas l’hypocrisie de vous donner l’assurance, croyez, Monsieur, à l’expression de ma détermination farouche (vous aimez bien ce mot, moi aussi) à maintenir ma modeste plume au service du combat contre l’idéologie mortifère dont vous êtes porteur.

                                                                                    Paul Rignac

 

* Au service d’associations humanitaires œuvrant dans le Sud-Est Asiatique.
Sa fréquentation du terrain humanitaire et de ses acteurs l’a amené à écrire sur l’histoire commune et sur le choc des cultures entre la France et l’Asie.
* Directeur de collection chez Arconce Éditions (Maison d’édition régionaliste)
Ses recherches le portent à une réflexion sur les identités culturelles, leurs fondements, leurs limites et leurs possibilités d’ouverture dans un monde de plus en plus globalisé.

Ouvrages
Indochine, les mensonges de l’anticolonialisme (2007) – La guerre d’Indochine en questions (2009) – Une vie pour l’Indochine (2012) – La désinformation autour de la fin de l’Indochine française (2013) – Le Mystère des Blancs (2013) – Charolles, une promenade en photos (2013) 

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3 réponses à Une belle réponse à Macron

  1. Ping : Le blog d’Anne Brassié:Une belle réponse à Macron-cette querelle est ridicule et archaïque;il faut accuser Macron de ramasseur de voix à tout prix , voila tout et comme naguère le Parti communiste et son orgarnisme spécialisé « La main d’oeuvre immigrée  ou MOI | «actualitserlande

  2. Charlie Bedeau dit :

    Les Romains construisirent pour l’éternité. Ils avaient compté sans les Arabes. Jusqu’à présent leur capitale s’en est plutôt bien sortie. On vient encore d’exhumer des ruines de la Domus Aurea une mosaïque dans un état de conservation exceptionnel qui pourrait bouleverser certaines de nos données sur l’Antiquité.

    C’est une vue de port. Une invite à la rêverie, aux pulsions du voyage vers ailleurs, vers les pays lointains, vers un ancien outremer rempli de nos nostalgies. L’Inde, la Chine, l’Indochine. Ah !

    Le rivage entourant la crique est couvert de palais somptueux à l’architecture extravagante, un harmonieux mélange délirant de tous les styles, du Claude Gellée avant la lettre. Au centre de la baie une trière est au mouillage.
    Au premier plan à gauche sur la berge un couple se fait face, les bras tendus, leurs mains s’entremêlent. Ils vont se séparer. La femme s’apprête à monter dans la barque amarrée derrière elle pour rejoindre le navire. Dans l’angle un groupe de serviteurs éplorés, effondrés.
    A droite un groupe de personnages rigolards, vindicatifs, haineux, houspillant le couple. La tension est sensible, l’effet rendu est dramatique.
    Un détail nous éclaire. La proue du navire est décorée d’une tête de femme, les yeux bandés. Sur la coque on a figuré une balance. Aucun doute sur l’identité du bâtiment.
    La scène est classique. Il s’agit d’un «Embarquement pour Murkonos ».

    Murkonos est une ile de la mer Egée qui appartient en propre à Zeus. A la fois exigüe et redoutable c’est là qu’il avait installé sa cohorte des prêtres de Thémis, loin des foules justiciables, toujours dangereuses.
    Les marins s’en détournent. On ne la visite que sur convocation. La plupart des « invités » s’installent sur place; ceux qui en reviennent s’enferment dans un mutisme glaçant.
    Selon la relation qu’en fit Galilée – un savant juif, qui avait fabriqué une lunette pour voir de loin – la curiosité de l’ile serait bien la présence, derrière une vaste esplanade, d’un mur considérable dont l’utilité, problématique, ne peut avoir qu’une origine rituelle. Sur ce mur seraient peints à fresque des portraits dans le style de Photomathon.
    On raconte que chaque fin de semaine les prêtres de cette ile bizarre se rassemblent sur l’esplanade et tournés vers l’Orient ils lancent invectives et quolibets dont il n’est pas interdit de penser qu’ils les adressent aux malheureux dont l’effigie s’étale sur le mur.

    Un embarquement pour Murkonos n’est pas une mince affaire. Déplaire à Zeus n’est pas à la portée du premier métèque venu. Qui sont les protagonistes de cette mosaïque ? Quel événement relate-t-il ?
    Quelle est cette femme qui est convoquée à Murkonos ? Un beau visage noble, une chevelure blanc doré, une expression de tristesse surmontée. A n’en pas douter c’est une femme illustre que l’on arrache à son compagnon. Ce ne peut être que la plus héroïque des épouses de l’antiquité, la sage Pénélope.
    Celui dont elle étreint les mains est donc Odysseus. Il est revenu de Troie et de son périple dans les Marina du pourtour méditerranéen ; il a fait le ménage à Ithaque. Apparemment il a à nouveau des ennuis. Dans le dos il porte en bandoulière un porte-voix, il fait donc campagne sur l’agora pour un poste d’importance.
    C’est un secret pour personne que ce couple légendaire, soutenue par Héra, guidé par Athéna, pose un sérieux problème d’image à Zeus, ce drôle de zèbre pour qui les dames de ce temps n’étaient que des volailles à plumer. Il n’est donc pas question qu’Odysseus arrive à la magistrature suprême. Pour l’Olympien tous les moyens sont bons y compris le plus ignoble : séparer les époux en envoyant à Pénélope un aller simple et gracieux pour l’ile de toutes les disgrâces.

    D’autres détails abondent qui confirment l’hypothèse. Le groupe des malfaisants sur la berge sont des concurrents qui se gaussent de la mauvaise fortune du héros de la dernière guerre. Parmi ces gens méprisables se détachent les plus teigneux – ceux qui ont le plus à redouter d’Odysseus vainqueur – tel Bruno Vesoulos à la chlamyde blanche ou Vilpinus Diplomaticos, vainqueur dans les joutes oratoires mais logicien inepte, qui fut quelque chose sous Shirak le Grand. Et même Moranoas, la caissière du grand café des Panathénées qui y alla de sa harangue. Devant eux gesticule un jeune homme véhément, vêtu de son seul bouclier. Il représente la nation macronide en continuelle recherche de l’amour des Grecs, prête à les annexer.

    Dans le coin droit de la mosaïque, derrière le groupe vociférant un personnage esseulé nous fait face. Son teint est terreux, ses yeux enfoncés sinistres, ses épaules tombantes, tous les signes de l’affliction. C’est Phénékos qui eut sa minute de gloire, le premier à trahir, dont tous maintenant se détournent avec dégout, trop heureux de lui faire endosser l’entière honte.

    A droite, sur une somptueuse terrasse surplombante d’un palais se tienne deux personnages sombres et méditatifs : un nabot et un grand échalas, un homme de petite taille et un homme de grande taille comme on dit maintenant. Ils regardent avec intérêt le couple qui va se séparer. Ils sont quasiment mythiques. Il est aisé de les reconnaître. Ils viennent d’être détrônés : Sarkon le Libyen et Juppéos botté d’airain unis pour une fois dans l’adversité.

    Allons-nous découvrir, après l’Iliade et l’Odyssée, une suite aux aventures d’Odysseus ? Ce ne serait pas la première fois qu’une œuvre picturale aide à la connaissance de l’Histoire.

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