Une voix inspirée d’Antigone

antigoneJe ne veux pas comprendre. C’est bon pour vous. Moi, je suis là pour autre chose que pour comprendre. Je suis là pour vous dire non et pour mourir. Antigone, Anouilh

Nous parlons trop et nos discours sonnent creux. Le verbe n’est plus vérité, il est fuite. Essayant en vain de tromper nos sens et notre conscience, qui eux parlent juste, nous fuyons une réalité qui fait trop mal à sentir, à entendre, à voir, à toucher, à goûter. Tous nos sens nous parlent pour prendre connaissance de notre monde de progrès. Et ce monde pue la pollution, l’hypocrisie, l’intérêt, la mort. Oui, notre monde de fer et de progrès, de superflu et d’artifice est laid et nous le savons tous. Nous le voyons. Nous le ressentons tous au plus profond de nous, comme un cri lancinant qui vient du dedans et qui ne s’arrête pas, jamais. Tous nous l’entendons, il suffit d’écouter. De cesser la musique, l’agitation, le bavardage… Ecouter pour cesser d’entendre, ça demande du courage. Ecouter et cesser de fuir en trompant notre conscience dans l’agitation politique, dans l’agitation médiatique, qui brasse des mots, des souffles, des voix pour faire davantage de bruit et ne pas écouter le cri de la conscience qui seulement dit non !

La société que nous bâtissons est mauvaise dans tout ce qu’elle charrie. Nos fruits sont morts avant même de voir le jour. Nos lois tuent les éleveurs et petits producteurs pour produire plus de gras, de plastique et de vide. Nos enfants meurent proprement avant même leur premier appel à la vie et nos vieux crèvent dignement comme des bêtes seules dans un mouroir aseptisé. Nous baignons dans la mort, car nous n’avons plus le courage de vivre pour dire non.

Nous qui savons et voyons, cessons de bavarder, cessons même d’expliquer, de faire comprendre. Il n’y a rien à faire comprendre à un monde qui hait le vrai, qui préfère tuer plutôt que protéger, qui fuit le silence et se perd dans le bruit. On ne comprend pas l’évidence, on la respecte, on la clame, on la vit et elle s’impose à toutes les consciences, sans bavardage, dans le silence et la joie des corps, des esprits et des cœurs.

Cessons donc les livres et les débats, les salons feutrés, les élections, les programmes, les lois… les bavardages « bonne conscience » qui sont autant de temps et d’énergie perdus. Choisissons un camp, celui du Oui, franc et ferme, fort et clair, sans commission ni compromis. Ce camp pour lequel nous sommes prêts à laisser notre situation, notre conseil municipal, notre parti, notre lobby, notre République, nos droits, notre profession, nos amis, notre famille, nous- mêmes.

Le seul camp en somme, qui, défiant la mort, permet à Antigone, comme à Marie, d’être reines, parce qu’elles se sont données toute entières et pour la Vie !

Une Voix

J.ANOUILH, Antigone, neuvième partie, 1944,

Sur le site de Terre et Famille

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