De Castellucci en Charlie avant Golgotha Picnic


Depuis la mi-octobre, nos media ameutaient contre les « fondamentalistes chrétiens » qui, par leurs prières devant le Théâtre de la Ville et leurs incursions à l’intérieur de cette salle parisienne où ils déployaient des banderoles,  osaient perturber le bon déroulement des représentations de «Sur le concept du visage du fils de Dieu» (couvert in fine de matières fécales), pièce blasphématoire et d’ailleurs inepte de l’Italien Romeo Castellucci, auquel un sens aigu de la provoc’ tient lieu de génie. Quant au maire de Paris Bertrand Delanoë qui, bien que frère d’une religieuse dominicaine, exigeait l’arrêt manu militari de ces manifestations réparatrices et déposait plainte pour « outrage à la liberté artistique », il vouait aux gémonies ces obscurantistes et leur « terrorisme intellectuel », lui qui, lors de l’affaire des caricatures de Mahomet, avait pourtant affirmé « comprendre l’émotion » des musulmans insultés, dont il se disait « proche ».  Et le Conseil de Paris n’était pas en reste qui devait voter à une très large majorité (groupes « Communiste et élus du parti de gauche », « Europe Écologie – Les Verts et apparentés », « Socialiste, radical de gauche et apparentés » et « Union pour une Majorité de Progrès à Paris et apparentés », plus une élue centriste du XVIe arrondissement, Valérie Sachs) une résolution communiste condamnant les rassemblements de jeunes chrétiens, aimablement qualifiés de « hordes fascisantes ».

Las, dans la nuit du 1er au 2 novembre, patatras ! Ce n’est pas le Théâtre de la Ville qui sautait, mais le siège de Charlie Hebdo, dont l’équipement informatique et les fichiers sont anéantis. Et impossible en l’occurrence d’incriminer les « catholiques intégristes » de l’institut Civitas et de Saint-Nicolas du Chardonnet ni leurs « hordes fascisantes » . Ce sont les fondamentalistes musulmans, ulcérés par le dernier numéro, sous-titré Charia Hebdo, de la feuille pseudo satirique qui avaient frappé. Plus question de terrorisme intellectuel cette fois mais de terrorisme tout court, dont se désolait toute la classe politique française,  du Premier ministre François Fillon au sénateur sans-culotter Jean-Luc Mélanchon en passant par un Copé « révolté » et Claude Guéant aussitôt accouru sur les lieux pour inciter « tous les Français à se sentir solidaires » de Charlie Hebdo. Ce journal exprimant  « par son existence et par sa façon d’être la liberté de la presse», le ministre de l’Intérieur prenait l’engagement solennel que « les forces de police vont faire l’impossible pour trouver les auteurs de cette agression, comme les auteurs des menaces qui ont été proférées par la voie d’Internet ».

Une telle unanimité dans l’indignation vertueuse ne manquera pas d’étonner ceux qui se souviennent de l’indifférence, voire de la joie mauvaise, avec laquelle furent accueillis dans les années 70 de l’autre siècle les attentats (gauchistes) à répétition contre les hebdomadaires Rivarol et Minute, sans parler de la destruction totale dans le XVème arrondissement de Paris de l’appartement de Jean-Marie Le Pen et des logements voisins où l’on frôla le drame, un bébé étant projeté dans le vide du troisième étage par le souffle de l’explosion. Est-il besoin de préciser que les auteurs de tous ces forfaits ne furent jamais identifiés ni a fortiori inquiétés… et que leurs victimes n’ont jamais bénéficié de la protection policière aujourd’hui si généreusement offerte aux vedettes de Charlie ?

Mais sans doute, réputés fâchos, les organes visés et Le Pen lui-même n’avaient-ils que ce qu’ils méritaient alors que, de pouvoir de gauche en pouvoir de droite, Charlie est sacré. En juin 2009, son ancien directeur Philippe Val n’a-t-il pas d’ailleurs été débauché et promu par Nicolas Sarkozy directeur de France Inter ? Poste prestigieux — et officiel — s’il en est.

Claude LORNE

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